Si c’était moi? Les athlètes face à l’incertitude.

Si c’était moi? Les athlètes face à l’incertitude.

En quelques jours, notre réalité a changé. Cela fait quelques semaines, mais ça peut sembler une éternité.

 

Difficile à imaginer

En raison de la dimension mondiale du sport de haut niveau, les impacts de la crise actuelle affectaient déjà la préparation olympique des athlètes avant qu’elle atteigne la société québécoise. Je pense aux athlètes qui étaient il y a quelques années mes pairs, ceux en préparation pour les Jeux olympiques de Tokyo. La situation actuelle est si inusitée que j’ai de la difficulté à me projeter dans une telle situation et à imaginer comment j’aurais réagi si c’était moi qui était en préparation pour les Jeux olympiques. Malgré mes cinq cycles de préparation olympique dans mon bagage d’expérience, je ne peux que m’imaginer le tourbillon d’émotions que ressentent les athlètes. Cette situation est tout à fait nouvelle pour tout le monde. Dans mon parcours d’athlète, lorsque je faisais face à des défis, je pouvais généralement m’inspirer et me motiver grâce à l’expérience de quelqu’un qui avait déjà vécu une situation semblable. Ou encore, me fier aux connaissances des spécialistes en lien avec les défis que j’avais à relever, que ce soit une blessure, un échec ou une situation personnelle. Cette fois, en 2020, le défi est nouveau et il existe peu d’expérience passée pour nous aider à trouver la recette du succès. La beauté de ce défi est qu’il est collectif, nous le vivons tous en même temps. Nous faisons tous face en tant qu’athlète, professionnel, parent, entraîneur, humain, à des défis qui sont propres à nos situations, mais nous y faisons face ensemble. Nous affrontons une tempête différente pour chacun, mais tous en même temps.

 

Les aptitudes pour faire face à ce défi 

Le point positif, c’est que nous avons tous des expériences, des habiletés, des aptitudes pour nous aider à faire face à ce défi un peu inusité.

Étrangement, le confinement à la maison me rappelle un peu ma vie de nageuse, lorsque j’étais en camp d’entraînement ou encore que je me reposais les jours précédant une compétition. Entre les entraînements, la vie d’une nageuse de haut niveau, c’est beaucoup de repos, de lecture, de visionnements de série télé et …d’attente. Hey non, contrairement à ce que laisse croire certains comptes Instagram, la vie d’athlète de haut niveau, ce n’est pas seulement les voyages, les entraînements intenses, les tours de force au gym, les compétitions, les rencontres et les soupers d’équipe. Il y a aussi de grands bouts un peu «plates», où tu dois trouver du plaisir et du divertissement dans des choses simples. Et moi j’étais bonne là-dedans.C’est pour ça que j’ai eu du plaisir à mener cette vie faite d’émotions fortes et de calmes plats aussi longtemps. On sera tous plutôt bons pour se divertir avec peu une fois cette quarantaine terminée…

 

L’incertitude

Ce qui distingue la situation actuelle, c’est l’incertitude. Nous sommes habitués à des comptes à rebours, à des délais. Les athlètes, peu importe leur niveau, se préparent pour une épreuve, un événement en particulier. Pour l’instant, même si les Jeux ont été reportés et que les nouvelles dates ont été annoncées, les spécialistes, les entraîneurs et les athlètes ignorent quand l’entraînement à temps plein pourra reprendre. Après ce hiatus dans le programme d’entraînement, les échéances et les objectifs à court terme devront être révisés. Certains devront sans doute changer d’objectif à long terme et réviser leur plan global.

 

Revoir ses objectifs et s’adapter

C’est une grande qualité d’être capable de revoir ces objectifs en fonction des défis à relever, de différents facteurs et circonstances hors de notre contrôle. Le sport avec ses défis, ses réussites et ses échecs m’a aidé à apprendre à me fixer des objectifs, à faire preuve de persévérance pour les atteindre, mais aussi à améliorer ma capacité d’adaptation. Plus d’une fois, des revers, des imprévus, parfois majeurs, ont fait en sorte que mes objectifs ont changé.

La plus grande adaptation selon moi demeure toutefois la transition après carrière. Contrairement au sport où la ligne d’arrivée est claire, l’objectif bien défini, dans la vie personnelle et professionnelle, les objectifs sont souvent plus difficiles à établir, les délais indéfinis et plusieurs facteurs extérieurs peuvent nous amener à modifier notre objectif, notre destination, notre rêve.

La retraite sportive, c’est la perte de repère. Je ne suis pas une spécialiste, juste une personne qui l’a vécu. Je crois que la situation actuelle dans laquelle sont projetés les athlètes olympiques leur permet de mieux s’outiller à la perte de repère et à la redéfinition des objectifs qui vient avec n’importe quelle transition de vie.

 

Comprendre ses motivations

Même si l’incertitude entourant leur carrière sportive doit être très difficile à vivre, c’est souvent lorsque l’on sort de notre trajectoire programmée sur le pilote automatique que l’on est obligé de se poser des questions, parfois difficiles, et de réévaluer nos motivations. Pourquoi est-ce que je fais ça? Est-ce suffisamment important pour moi? Mon objectif est-il suffisamment stimulant pour me motiver à persévérer lorsque je fais face aux difficultés? Ce sont ces questions qui nous aident à avancer.

Je ne crois pas que j’aurais pris la décision de poursuivre ma carrière après les Jeux de Londres 2012, si je n’avais pas eu à surmonter le défi posé par le trouble anxieux qui a modifié ma planification olympique quelques mois avant mes deuxièmes jeux. J’ai révisé mes objectifs. J’ai analysé mes motivations. J’ai constaté mon désir de continuer et compris ce que mon sport m’apportait pour mon développement et la réussite de mes autres rêves en dehors du sport.

 

La patience, mon défi personnel 

Le grand inconnu de la situation actuelle, c’est le temps. On ne sait pas combien de temps nous devrons composer avec les restrictions en vigueur. Nous devons tous faire preuve de patience. La patience, c’est justement mon point faible. Si j’ai beaucoup amélioré ma persévérance au cours de ma carrière sportive, la patience, ce n’est toujours pas ma grande force.

Pour m’aider dans mon après-carrière, j’ai participé à une activité de Plan de match animée par une spécialiste. Après dix minutes de conversation, elle m’a mentionné que pour moi, la patience était ce que je devais développer pour une transition harmonieuse. Le temps est précieux, on ne veut pas le perdre, mais je sais aussi que pour réaliser des rêves, ça prend du temps et de la patience. J’y travaille.

Même si j’avoue avoir de la difficulté à m’imaginer toutes les émotions que vivent les athlètes olympiques depuis quelques semaines, il y a une chose que je peux bien comprendre, c’est de ne pas pouvoir faire sa passion. À tous les athlètes, de tous les âges, tous les niveaux : je pense à vous. À tous les passionnés en pause, je suis avec vous.

Pour reprendre une analogie sportive, nous sommes tous dans une course d’endurance dont on ignore la durée et pour laquelle nous ne contrôlons pas tous les facteurs de réussite.

Mais nous sommes dans cette longue course tous ensemble.

#Çavabienaller

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